Le Désert est Assiégé

Supersoft [14-18]

PS 035 / album LP 12" / 2018

The label orchestra is back for a wild parade, with dynamite, daisies and puzzling.

L’orchestre du label est de retour pour une parade sauvage, où la dynamite flirte avec les marguerites. classique. 


 

 


 

Supersoft[14-18] is the orchestra from the Partycul System label, which has often been reminded that it will play on deck when the ship sinks. It was created the same year, in 1999. Its principle is to gather, within several of the label’s groups, a volunteer detached for wild and ordered improvisation (almost like nature).

A recent article about Glenn Branca’s death highlighted the fact that this great musician and composer wanted « to base his extravagant and scrupulous harmonic language on his own immersion in sound ».

Le Désert est Assiégé, the 5th album of this heretical boys band in the form of a quintet*, summons this melodic, rhythmic and harmonic tour de force that musical immersion requires. A desert siege for a return to the grace of Sisyphus in the form of an adventurous tour de piste, where the pieces follow one another like the tales of EXTRA-ordinary madness.

Because the radical scepticism of this collective of variable geometry does not lead him to propose a turnkey program, no more on disc than during his thundering stage appearances. His free and demanding music, on the contrary, proposes a world without transcendent law and without triumphant ideology. Post-modern music for unwise children….

On the way to a joyful avant-garde, Supersoft[14-18] once again offers a boiling recital of sleepwalking dances, windy skies, sax taming, vertiginous appeasement and secret races… A language built album by album, gradually weaving its links to give life to a new world under construction.

Often stored in the untraceable bag of « free » music, Supersoft[14-18] implements the « art of the almost ». Let’s say a subtle diagonal of the blur, serving the wrong genre. It is improvisation that gives strength and purpose to the group, by setting it in motion and causing an accident, to gradually build a tiny tent where the illuminations are ephemeral. A music of instinct and balance, always on the line, that provides recordings where everything is born and dies of nothing, where everything is fleeting like the players’ feelings. The kingdom of the unfinished….

These creations of instantaneous pieces are captured as closely as possible, as true as music can produce interactions between musicians. Many of the songs on this disc were created under constraint. They are of all kinds: mechanical, practical, theoretical. Constraint destabilizes to better transcend, favors the forgetting of technique or know-how, to promptly produce a global test. A magnificent draft of urgency….

Cecil Taylor said that his music was « the celebration of vital forces, the approval of life even in death ». This album proves him right because it constitutes a great playground for noise, the beautiful noise played as a total act. The seat of an infinite desert…  

 

*Quintet composed on this album by Ganashine, Loufranaï, Letellier, Callow and Leclercq.

 

 

Supersoft [14-18], c’est l’orchestre du label Partycul System. Il est né la même année, en 1999 et il a souvent été rappelé qu’il jouera sur le pont quand le navire coulera. Son principe est de rassembler, au sein de plusieurs des groupes du label, un volontaire détaché pour l’improvisation sauvage et ordonnée.

John Marron (alias TV La SUn Or) venant de se rendre – comme disent les pataphysiciens qu’il affectionnait – indisponible de façon permanente, ce disque ne sort pas sans une pensée émue pour ce haut personnage partyculier ayant collaboré aux 4 précédents albums du groupe.

Un récent article évoquant la mort de Glenn Branca soulignait le fait que ce grand musicien et compositeur voulait « fonder son extravagant et scrupuleux langage harmonique sur sa propre immersion dans le son ».
Le Désert est Assiégé, 5e album de ce boys band hérétique en forme de quintette*, convoque ce tour de force mélodique, rythmique et harmonique qu’exige l’immersion musicale. Un siège de désert pour un retour en grâce de Sisyphe sous forme de tour de piste aventureux, où les morceaux s’enchaînent comme les contes de la folie EXTRA-ordinaire.

Car le scepticisme radical de ce collectif à géométrie variable ne le porte pas à proposer un programme clef en main, pas plus sur disque que lors de ses apparitions scéniques tonitruantes. Sa musique libre et exigeante propose au contraire un monde sans loi transcendante et sans idéologie triomphante. De la musique post-moderne pour enfant pas sage…

En route pour une avant-garde joyeuse, Supersoft [14-18] propose encore une fois un récital en bouillonnement fait de danses somnambulesques, de cieux éventés, d’apprivoisements de sax, d’apaisements vertigineux et de courses secrètes… Un langage construit album par album, tissant peu à peu ses liens afin de donner vie à un nouveau monde en chantier.

Souvent rangé dans l’introuvable fourre-tout des musiques ‘free’, Supersoft [14-18] met en oeuvre « l’art du presque« . Soit une subtile diagonale du flou, au service du mauvais genre. C’est l’improvisation qui donne sa force et sa raison d’être au groupe, par la mise en branle et l’accident, pour édifier peu à peu un chapiteau minuscule où les illuminations sont éphémères. Une musique de l’instinct et de l’équilibre, toujours sur le fil, qui fournit des enregistrements où tout naît et meurt d’un rien, où tout est fugace comme les sentiments des joueurs. Le royaume de l’inachevé…

Ces créations de morceaux instantanés sont captées au plus près, au plus vrai de ce que la musique peut produire d’interactions entre les musiciens. Plusieurs des morceaux présents sur ce disque ont été créés sous contraintes. Elles sont de tout ordre : mécaniques, pratiques, théoriques. La contrainte déstabilise pour mieux transcender, favorise l’oubli de la technique ou du savoir-faire, pour produire promptement un essai global. Un brouillon magnifique d’urgence…

Cecil Taylor disait que sa musique était « la célébration des forces vitales, l’approbation de la vie jusque dans la mort ». Cet album lui donne raison car il constitue un grand terrain de jeu de noise, la belle noise jouée comme acte total. Le siège d’un infini désert…  

*Quintette composé cette fois de Ganashine, Loufranaï, Letellier, Callow et Leclercq.

 


 


CHRONIQUE / Le désert est assiégé

 

A découvrir Absolument (Fevrier 2019)

Est-ce un paradoxe, mais l’écoute d’un disque comme « Le Désert est assiégé » ne réclame pas d’improvisation. Fruit du collectif Supersoft (14-18), orchestre des membres du label Partycul System, cet album tout en improvisation, aura déjà comme premier effet de nous poser face à une pochette qui se moque de l’incongruité, se jouant des codes nous rappelant les meilleures (ou les pires) pochettes du label américain Omega Point Records.

Nous pourrons essayer de trouver un sens, l’image comme le son semble ici dévouée à l’improvisation. Ensuite il sera temps de se plonger dans un univers musical complètement hétéroclite qui trouve son sel dans la cohérence des directions quand celles-ci sont choisis par le hasard, et son piment dans des noms de titres aussi déroutants que « Nuit Fleurie, Front Brûlant », « Le Long Bras Velu du Hasard » ou le fantastique « Cioran’s lambada ». Les écoutes successives dégageront quelque chose d’évident dans ce qui semble être un acte unique à des fins répétées, et nous serons bien en peine de répondre à notre question de départ, nous faisant entrer dans une lente improvisation pour cette chronique qui n’est qu’une divagation loin de l’esthétisme étonnant d’un label qui préférera chercher le micron sous le tapis de l’homme à corne de la pochette, plutôt que de chasser dans le confort. La pensée assiégée.